Grand Royal/Capitol Records/1992/2022
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1992-2022. Check Your Head, le troisième album du trio rap/rock Beastie Boys, a 30 ans cette année. Un disque enregistré à Los Angeles dans le studio monté par le groupe, un disque qui brasse plusieurs styles musicaux, un disque truffé de samples mais joué avec de vrais instruments. Un disque qui rebat les cartes du game ? Peut-être pas. En tout cas, on parle là d’un classique.
Petit retour en arrière. Back to ’89. À présent stabilisé, le petit combo punk énervé du début des années 80 est devenu un trio de rappeurs, Adam “Ad-Rock” Horowitz, Adam “MCA” Yauch et Michael “Mike D” Diamond. Licensed to Ill, leur premier album paru en 1986, a été un véritable carton. Signé sur Def Jam, le label de Rick Rubin et Russell Simmons, propulsé par le hit (You Gotta) Fight For Your Right (to Party !), le groupe est désormais lancé, il peut se laisser aller à toutes les folies. Mais le deal avec Def Jam tourne court suite à un défaut de paiement du label. Joli taux de rebonds pour les trois B-Boys qui signent sur une major Capitol Records pour sortir son nouvel album. Il s’intitule Paul’s Boutique, c’est un disque foutraque à souhaits, l’un de ceux qui contient le plus de samples au monde (Afrika Bambaata, Sugarhill Gang, Pink Floyd, Paul McCartney/Beatles, Curtis Mayfield, Bernard Hermann et j’en passe) mais qui pose les bases pour la suite à venir. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous mais il connaitra plus tard la reconnaissance qu’il mérite.
Au tout début des 90’s, Ad-Rock, MCA et Mike D quittent New-York City pour s’installer à Los Angeles. Ils goûtent à la vie californienne, monte un label (Grand Royal) et un studio d’enregistrement équipé d’un panier de basket, d’une scène et d’un skatepark. Bien sûr, le studio est également équipé de tout un tas d’instruments dont les Beastie ont décidé de se servir, sous l’influence notamment des Hollandais de Urban Dance Squad, fers de lance de la fusion funk/rock/rap. Bien installés, les trois musiciens recrutent Mario Caldato Jr. à la production (déjà présent sur Paul’s Boutique) et le claviériste Mark Ramos Nishita aka Money Mark (le quatrième Beastie).
La pochette raconte presque tout d’eux à cette époque. Trois gars arborant sneakers, bonnets de skater et flight cases. La pochette intérieure est également révélatrice de secrets de fabrication. On y voit le trio jouant de leurs instruments et entourés de pleins d’autres (contrebasse, claviers, platines, amplis et percussions) et également accompagné de Money Mark derrière un orgue Hammond dont le son renverra directement aux B.O. de films des 60-70’s. Un collage de photos représentant potes, musiciens et bien d’autres fait le clin d’oeil à la pochette de There’s a Riot Goin’ On de Sly and the Family Stone.
À l’observation minitieuse du livret et de la pochette, on remarque donc un groupe en phase, concentré et inspiré, mais qui toujours s’amuse. Comme sur Paul’s Boutique, MCA, Mike D et Ad-Rock ne lésinent pas sur les samples. Dès Jimmy James, ce sont deux morceaux de Jimi Hendrix qui sont utilisés en plus des autres échantillons. Quatre samples de reggae composent Funky Boss. Les collages – dialogues de films et de musiques – sont nombreux mais tout semble plus maitrisé que sur le précédent album. À la fin de Finger Lickin’ Good, un bout du Just Like Tom Thumb’s Blues de Bod Dylan s’intègre parfaitement. Et bien qu’ancré dans le hip-hop, le trio n’hésite pas à établir sur Check Your Head des passerelles vers d’autres styles. Les racines punk sont présentes avec Time for Livin’, une reprise de Frontline elle-même une reprise du morceau de Sly and the Family Stone. Pour introduire ce titre, le rappeur Biz Markie vocalise sur un solo du guitar hero Ted Nugent, célèbre pour son “Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux”. Passerelles, vous disiez ? Cet enchaînement est résolument un temps fort en milieu d’album qui ne laissera pas insensible les skaters des années 90 (trois morceaux de Check Your Head servirent de B.O. pour la vidéo de skate Questionable lancée en 1992 par la firme Plan B). Plus tard, c’est un instrumental, Pow qui nous gratifie d’un solo de batterie signé Mike D. Gratitude (et son clip hommage à Pink Floyd Live at Pompeii) s’aventure en terres psyché avec riff de basse dopé à la Superfuzz, guitare wah-wah et solo de Hammond qu’on croirait sous acide. Plus inspiré par le jazz-funk que jamais, les trois B-Boys dégainent aussi Lighten Up (percussions latines et orgue Hammond de Money Mark en fête) et les impeccables Groove Holmes et In 3’s. On se voit propulsé dans les 70’s sur le tournage d’une série policière type Les Rues de San Francisco. Les morceaux de pur rap s’enchaînent tous très bien, de l’impeccable So What’Cha Want (et son gimmick d’orgue Hammond) à Stand Together ou Pass the Mic. Tous ces titres portent la marque des Beastie Boys : trois voix versatiles, de l’humour et le sens de la rime, sans oublier la dose réglementaire d’ego trip.
En somme, vous l’aurez compris, non contents d’être devenus d’excellents rappeurs, les trois Beastie Boys ont agi comme des laborantins sous inspiration jazz/funk/punk, sortant Check Your Head de leur boîte de chimie. Pour certains, il n’est qu’un album anecdotique, pour d’autres il reste un disque de chevet, sur lequel on peut revenir souvent pour y puiser toute l’essence de la coolitude et savourer le savoir-faire de trois musiciens inspirés. Check Your Head marque également une époque où en musique tout était permis. Rage Against The Machine sortent la même année leur premier album, entre rap et métal. D’autres albums de ’92 marquent également l’esprit des kids : AC/DC Live, Body Count de Body Count , Dry de PJ Harvey, Fear of the Dark d’Iron Maiden, It’s a Shame About Ray de Lemonheads, Dirty de Sonic Youth, Dirt d’Alice in Chains, Automatic for the People de R.E.M., The Chronic de Dr. Dre ou encore la B.O. du Dernier des Mohicans.
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Georges.
Toujours plus ou moins disponible en CD et vinyle, Check Your Head a été réédité cette année en coffret deluxe 4 vinyles incluant de nombreux titres inédits, remixes et live.