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À peu près cinq questions à TODD ROBINSON

Nous avions rencontré Todd Robinson une première fois en 2015, peu de temps après la sortie de Cassandra, lors du salon littéraire de Besançon. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Todd a été videur à Boston, garde du corps, paysagiste, éditeur… Il est maintenant barman et vit à New York avec son fils et son chat. Les personnages principaux de ses romans sont Boo et Junior, deux videurs aux gros bras et aux méthodes percutantes qui aiment jouer les chevaliers servants et enchaîner les situations périlleuses. Sa fidélité à la ville qui fut la première à l’accueillir en Europe nous valu de le revoir moins de deux ans après pour Une Affaire d’Hommes chez notre fournisseur de livres préféré, la Librairie Forum (cœur avec les doigts).

Un an et demi plus tard et pour patienter avant le prochain roman, nous avons souhaiter lui poser à peu près cinq questions sur lui, son actualité et les États-Unis.

 

Photos by Galal Chater

From Richmond To Tacoma : Todd, ton futur roman est bientôt terminé. Il me semble que tu en as déjà un autre en préparation mais aucun de ces deux-là ne sera une aventure de Boo & Junior, nos deux videurs préférés. Après le bon accueil qu’ils ont reçus, est-ce qu’il a été facile de les laisser sur le banc ?
Todd Robinson : Ça n’a pas été si difficile que ça. J’avais besoin de me mettre autre chose sous la dent. Avec ce nouveau roman, je voulais aller plus loin, montrer que je suis capable de raconter des histoires en dehors de l’univers de Boo & Junior. Mais ceci dit, j’avais déjà écrit presque 90 pages de leurs nouvelles aventures quand j’ai réalisé que ce que j’avais couché sur le papier ne fonctionnait pas. J’avais besoin de m’en éloigner un peu pour revenir à l’essentiel. Au départ, je pensais que ce nouveau roman me prendrait 4 à 6 mois, il m’en a pris 14 !

FRTT : Et du coup, est-ce que ce roman se rapproche plus des nouvelles que tu écrivais avant ? Que peux-tu d’ores et déjà nous en dire ? Et tu m’as confié avoir beaucoup écouté la bande originale du film La Route composée par Nick Cave et Warren Elllis pendant son écriture, qu’est-ce que ça a apporté ?
Todd : En fait, ce nouveau roman, ce sont des nouvelles. Il est composé de quatre nouvelles que j’ai écrites durant les huit dernières années. Il y avaient des connexions qui se faisaient entre les différents personnages et histoires et je me suis dit qu’en les destructurant et en retravaillant ces connexions, il y aurait quelque chose de plus riche à raconter. C’est le défi qu’on rencontre parfois avec les nouvelles. L’auteur doit résister à l’envie de raconter une histoire plus longue, plus riche, surtout quand on sent que l’une d’elles a du potentiel. Tout désosser et garder l’essentiel. Sur une de ces nouvelles en particulier, quelques personnes pensaient qu’elle se suffisait à elle-même, qu’elle avait déjà un potentiel romanesque. Cette façon de raconter des histoires façon grand format nous permet de faire germer la graine qu’elles contiennent.
J’écris toujours en musique et cette histoire est émotionnellement très dure. Vraiment, vraiment sombre, traitant du deuil et du chagrin et de ce que cela signifie que d’être un père, être un fils dans une communauté où il n’y a plus beaucoup d’espoir pour l’un comme pour l’autre. La B.O. de La Route va au cœur de ce que je voulais exprimer. Et La Route, le roman, touche à cette même dynamique, bien que je ne pense pas être capable d’écrire quelque chose d’aussi sombre, ne serait-ce qu’à moitié. Tout ce que je peux faire, c’est traiter ces thèmes à ma façon.

FRTT : Jordan Harper, que tu connais bien, sort son premier roman chez nous en France (éditions Actes Sud) au mois de mars. Peux-tu nous le présenter et nous parler un peu de son style ?
Todd : Jordan est juste un mec super talentueux. Ses personnages, son style… Je n’ai jamais rien lu de mieux. Quand j’ai fini She Rides Shotgun, je l’ai appelé et je lui ai juste dit : “Fuuuuuuck you.”

FRTT : Parlons un peu des États-Unis… Les élections de mi-mandat se sont tenues il y a peu. Vu de chez nous, on a l’impression que ça a suscité beaucoup d’espoir, mais au final il semble difficile de faire évoluer les choses… Qu’en est-il vraiment, de l’intérieur ?
Todd : Ça ne va pas du tout. Je ne veux pas remettre La Route sur le tapis, mais nous vivons dans une réalité proche du thème qui y est abordé. Comment peut-on continuer à trouver de l’espoir quand tous les jours aux infos il y a quelque chose pour lui botter le cul ? Les midterms étaient un début, mais c’est comme se les peler à mort dans une chambre froide et trouver subitement une allumette. C’est sympa, mais ça ne suffira pas !
Il y a une laideur en Amérique… À l’intérieur même de l’Amérique… C’est juste un voile qu’on a retiré pour le révéler aux yeux de tous. Les gens comme moi n’étions pas naïfs au point de penser que cela n’existait pas depuis tout ce temps… Mais putain, cette laideur est bien plus répandue et cruelle que jamais. Nous savions que c’était là. Juste pas à quel point.

FRTT : Maintenant, la French Question : quelque chose de français qui t’inspire ou que tu as aimé récemment ?
Todd : Quelque chose de français qui m’inspire ? Les chouquettes. Ces foutues petites choses sont comme le crack.

FRTT : Et réponses rapides…

  • Un film : La Vie Est Belle de Frank Capra
  • Une musique : Social Distortion
  • Un plat : le riz au poulet de ma grand-mère
  • Une boisson : le café
  • Un roman : Des Mules Et Des Hommes ; Une Enfance, Un Lieu de Harry Crews – Folio
  • Un voyage :  Mec, j’ai toujours voulu aller au Japon. Principalement parce que j’aime Godzilla et les films de Samouraïs.

Cassandra et Une Affaire d’Hommes sont à retrouver en librairie publiés aux éditions Gallmeister.

©Photos : Galal Chater

ENGLISH VERSION

FRTT : Your future novel is over soon. I think I remember that you have another one also in preparation… Neither of those two will feature Boo and Junior. By the way, was it easy to let them on the bench after the warm welcome they received ?
Todd : Not as much as you’d think. I needed a palate cleanser. With the new novel, I wanted to stretch a bit, show that I’m capable of storytelling outside the world of Boo and Junior. That said, I was almost ninety pages into the new Boo and Junior novel before I realized that what I had down just wasn’t working. I needed some time away to refocus. The original plan for the new one was four to six months. It’s taken fourteen.
FRTT : And so, is this novel more like the short stories you wrote before ? What can you already tell us about it ? You told me you listened a lot The Road O.S.T. By Nick Cave and Warren Ellis during the writing, what does it bring into it ?
Todd : The new novel IS short stories. The narrative is composed of four stories that I’ve written over the last eight years. Characters and story weave out from one another, and I figured that if I broke those stories up and worked in some connective tissue, that there was a larger story to be told. That’s the challenge with short stories sometimes. The writer has to resist the urge to tell a larger story, especially when one feel that there’s one in there. Cut some of the meat from the bone. One of the stories in particular, a few people thought was selling itself short, that there was a novel lurking behind it. This larger-picture storytelling allows me the luxury of growing those stories out from the seeds. I always right to music, and these stories are emotionally harsh. Really, really dark, dealing with loss and grief and what it means to be a father, what it means to be a son, and all in a community where there’s not much hope left for either. THE ROAD Soundtrack dug right to the point of where I was trying to go, tonally. And THE ROAD itself touches upon those same dynamics, although I would never dream of being capable of going as dark as that book des or half as well. All I can do is reflect upon those themes in my own way.
FRTT : Jordan Harper, a guy you know pretty well, releases his first novel She Rides Shotgun here in France on March 2019. Can you introduce him to us and tell us a few things about his style ?
Todd : Jordan is just a remarkable talent. His way with character and prose is as good as anyone I’ve ever read. When I finished She Rides Shotgun, I called him. He answered the phone, and I just said, “Fuuuuuuck you.”
FRTT : Let’s talk about the U.S… The midterms were held not long ago, seen from France, it seems that it has raised much hope, but in the end it seems difficult to change things … what is it really, seen from the inside ?
Todd : It’s bad. Not to bring The Road back into it, but we’re now living in a similar thematic reality. How do we keep finding hope when every day, there’s a new item in the news that stamps it back out ? The midterms were a beginning, but it felt like freezing to death in a meat locker and suddenly you find a match. It’s nice, but it’s nowhere near enough. There’s an ugliness to America… INSIDE America… that has had the sheet pulled back from it. People like myself weren’t so fucking naïve as to think that it wasn’t there all along, but goddamn, that ugliness is more widespread and more vicious than we’d ever thought. We knew that it was there. Just not how much.
FRTT : The 5th question is what I call “The French Question” : Something french that inspires you or you liked recently ? (it can be a movie, food, wine…)
Chouquettes. Those goddamn things are like crack.
And finally, quick answers :
1 movie : It’s a Wonderful Life – Frank Capra
1 music : Social Distortion
1 meal : My grandmother’s chicken and rice
1 drink : Coffee
1 novel : A Childhood; a Biography of a Place by Harry Crews
1 trip : Man, I’ve always wanted to go to Japan. Mostly because I love Godzilla and samurai films.

 Propos recueillis par Smith pour From Richmond To Tacoma – Traduction : Smith with a little help from my friend Silver – 2018 
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