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SUFJAN STEVENS & ANGELO DE AUGUSTINE, A Beginner’s Mind

Asthmatic Kitty / 2021

Les songwriters américains Sufjan Stevens et Angelo De Augustine se retrouvent le temps d’un album autour de leur passion pour le cinéma et offrent une quinzaine de titres tout bonnement somptueux, mêlant harmonies vocales de haut vol et arrangements soignés.

Ces deux garçons se connaissent depuis un moment. Sufjan le New-Yorkais, songwriter et artiste complet au répertoire déjà conséquent (les chefs d’oeuvre folk Seven SwansMichigan, Illinoise, Carrie & Lowell, les albums électro remarquables The Age Of Adz, The Ascension, les titres sur la B.O. de Call Me By Your Name…), invite Angelo, le Californien-qui-gagne-à-être-connu, à ouvrir pour lui lors de ses tournées puis le signe sur son label Asthmatic Kitty Records. Un magnifique troisième album de ce discret barbu intitulé Tomb parait en 2019 (produit par Thomas Bartlett, déjà aux manettes ou instruments divers chez Sufjan mais aussi St. Vincent, Hannah Cohen, Norah Jones).

Courant 2019, Stevens et De Augustine se sont isolés dans un chalet au nord de New-York (appartenant à Bryce Dessner de The National) pour composer de nouveaux titres et regarder des films pour y puiser leur inspiration. Oui, car la thématique de ce disque à quatre mains, c’est les films. Ceux qu’on loue au vidéoclub. Ceux qu’on regarde, le samedi soir, en mangeant une pizza. Point Break, Le Silence des Agneaux, The ThingLes Ailes du Désir, Le Magicien d’Oz, Mad Max et d’autres. Au terme de longues sessions de visionnage, Angelo et Sufjan se sont interrogés sur la portée philosophique, les messages, les grands principes portés par ces films. Sur une base folk tout à fait dans la continuité des oeuvres Carrie & Lowell et Tomb, les deux musiciens évoquent tour à tour les personnages tels que Dorothy, Pinhead (dans Hellraiser III), Bodhi ou bien le réalisateur du Silence des Agneaux, Jonathan Demme, disparu en 2017 et auquel le disque est dédié.

Le disque débute avec Reach Out, magnifique ballade aux voix en parfaite harmonie, où toute la poésie et la mélancolie du film de Wim Wenders Les Ailes du Désir sont mises en exergue. Plus loin, sur des arpèges de guitare, le morceau Cimmerian Shade évoque sans détour le thriller de Jonathan Demme mettant en scène Jodie Foster et Anthony “Hannibal” Hopkins. D’inquiétantes nappes de synthé atmosphériques et des voix fantômatiques apportent une dramaturgie supplémentaire. Parmi les réussites d’A Beginner’s Mind, on trouve également Back to Oz, petite merveille indie pop ou This Is (The Thing), sorte de berceuse portée par un piano et des choeurs comme pour contrebalancer la tension et l’horreur du classique The Thing de John Carpenter. Ou n’oubliera pas Fictional California, autre merveille folk qui évoque un improbable teenage movie de 2004 (Bring It On Again ou American Girls 2 en VF). Si les inspirations cinématographiques peuvent parfois prêter à sourire, les deux songwriters ne sont jamais dans le jugement et proposent une réflexion humble et innocente (à l’image du titre : A Beginner’s Mind, c’est le shoshin ou “l’esprit du débutant” chez les bouddhistes zen) sur cette dizaine de films populaires ou non.

Georges.

NB : C’est l’artiste ghanéen Daniel Anum Jasper, connu pour ses affiches de cinéma revisitées en peinture, qui a signé la pochette du disque et des différents 45 tours parus préalablement.

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