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Les Lamentations Du Coyote, GABINO IGLESIAS

Sonatine

La voilà. La deuxième salve.
Onze mois après l’explosif Santa Muerte, Gabino Iglesias recharge le barillet et nous guide le long de la frontière mexicaine, les malheureux souhaitant la traverser d’un côté, la menace des miliciens tirant à vue de l’autre. En situant cette fois-ci son récit sur la rive sud du Rio Grande, côté Mexique donc pour les fortiches en géographie, l’auteur d’Austin fait de ces Lamentations le pendant à Santa Muerte qui, lui, se situait essentiellement côté US.

Et c’est là, dans cette zone que l’on nomme la Frontera que l’on suit une galerie de personnages, tous plus marquants les uns que les autres, dont le Coyote, un type mystérieux, un passeur parfois brutal dont la mission sacrée est de protéger de jeunes mexicains en quête d’un avenir peut-être plus radieux et de leur faire traverser la frontière. Il est le bras armé/vengeur de la Virgencita, petite vierge protectrice et rien ne doit s’opposer à sa destinée. On suit également ce petit garçon, Pedrito, qui voit, dans le premier chapitre, son père abattu d’une balle dans la tête par un milicien américain lors d’une simple partie de pêche et qui ne trouvera le repos que dans la vengeance. On y retrouve également une artiste (très !) engagée, une mère brisée en plein délire, une âme perdue…

Avec Les Lamentations Du Coyote, Gabino Iglesias mêle habilement différentes références, différentes inspirations et nous expose les sujets qui le tourmentent. Si on ne peut s’empêcher d’avoir à l’esprit ces images terribles, vues dans différents reportages, d’enfants mexicains séparés de leurs parents juste après avoir mis un pied aux États-Unis et détenus dans des conditions inhumaines au début de la présidence Trump, on pense également au film Desierto de Jonás Cuarón (2015) avec Gaël Garcia Bernal ou encore, et c’est peut-être plus étonnant à Stephen King. En effet, l’évocation des esprits, croyances traditionnelles, délires et apparitions maléfiques – Virgencita, Santa Muerte et autre Chupacabra – raisonnent fatalement avec les meilleures pages du King du Maine. Et à un moment, cette citation qui forcément fera écho et vous fera opiner du chef, sourire complice au coin des lèvres : “Ezekiel 25:17 : (…) And you will know my name is the Lord when I lay my vengeance upon you.” (Pulp Fiction).
Actualité et société, une dose de mysticisme et de pop culture, voilà jusqu’ici les éléments qui constituent un roman de Gabino Iglesias et la combinaison fonctionne une nouvelle fois à merveille.

Dans un style que l’on peut juger moins enlevé et déjanté que Santa Muerte, Les Lamentations est clairement un roman plus politique et sombre, plus humain aussi et qui confirme l’engagement et la lucidité de l’auteur. La trajectoire des personnages, leurs souffrances nous hantent ici un peu plus. Comme si Gabino Iglesias voulait nous dire : vous voyez Fernando (le personnage du premier roman, hein) ? Comment il est, ce qu’il vit, pourquoi il s’en remet aux fétiches et aux prières? Eh ben, voilà d’où il vient et ce par quoi il a dû passer. Petit bémol, une fin un peu en dessous dans l’intensité, d’après moi. Si on sent quand-même la volonté d’une scène au souffle épique et mémorable, il y a un petit “je-ne-sais-quoi” de frustrant qui n’enlève rien au fond du roman.
Notez bien, je mets à plusieurs reprises en miroir ce deuxième roman avec son prédécesseur mais je dois insister sur le fait qu’il peut tout-à-fait être lu indépendamment.

À surveiller si vous êtes sensibles au sujet : la série Coyote (CBS) avec Michael Chiklis (Gotham – The Shield – Les 4 Fantastiques) qui devrait être disponible bientôt.

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