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Tideland, MITCH CULLIN

Naïve

Peut-être les fêtes de fin d’année m’ont-elles rendu quelque peu nostalgique, mais j’ai eu envie de vous parler en ce tout début d’année de cette curiosité poétique et complètement hallucinée, sorti en 2006 en France, qu’est Tideland de Mitch Cullin, auteur de 54 ans originaire de Santa Fe, Nouveau-Mexique, dont on sera amené à vous reparler bientôt, un autre de ses romans étant sur nos tablettes.

Au début du roman, la petite Jeliza-Rose, vit encore avec ses parents encore en vie dans un appartement un peu décrépi de Los Angeles. Le père est une ancienne rock star à qui il ne reste plus que les addictions, les tournées et les fans ayant pris leur distance. Et la mère – sur laquelle on ne va pas s’étendre – décède assez tôt dans le roman des suites d’une overdose assez lente dans son lit. Craignant pour leur avenir s’ils restent là, le père emmène sa fille dans une vieille maison isolée et délabrée au milieu des prairies texanes traversées par une voie ferrée. À peine quelques heures après leur arrivée, le père s’installe dans le rocking-chair poussiéreux du salon pour se détendre et… ne plus jamais le quitter après le petit shoot qui sera – du fait – son dernier. Jeliza-Rose se retrouve alors seule, abandonnée à elle-même dans cette grande bicoque vétuste, en compagnie des écureuils qui galopent dans les combles et sur les toits et de son père, lunettes de soleil sur le nez, pourrissant dans le salon. Les journées d’été qui suivent sont longues et écrasantes et les réserves de nourriture plus que modestes. Pour occuper son temps, elle taille le bout de gras avec ses poupées… ou plus exactement les têtes coupées de ses poupées Barbie, échevelées et martyrisées. Elle va également faire la connaissance de Dickens, son voisin autiste lobotomisé, fils d’une embaumeuse pas bien engageante qui ne quitte que très rarement sa maison. Ensemble, ils vont  courir à travers les champs et s’inventer des aventures périlleuses jusqu’au passage assourdissant du train en fin de journée et l’apparition des lucioles. Le soir, elle rentre dans la vieille maison lugubre, s’assied sur les genoux de son père qui commence à sentir mauvais et lui raconte sa journée…

Présenté comme ça, le tableau semble bien glauque et il l’est, certes, mais Mitch Cullin insuffle une naïveté et une “fraîcheur” salvatrice avec le personnage de Jeliza-Rose qui rend ce roman vraiment surprenant et étonnamment fabuleux. On s’évade littéralement de cette toile de fond sombre et pesante grâce à l’imagination et aux délires de la petite fille, personnage vraiment incroyable.
Malheureusement, à moins de passer par des sites de seconde main, ou les soldeurs, ce roman est aujourd’hui assez rare, n’ayant jamais fait l’objet d’une sortie en format poche. A Conversation With Terry Gilliam – GLAS 2021Une chance pour l’histoire de la petite Jeliza-Rose et sa notoriété, le grand Terry Gilliam, membre des célèbres et fantasques Monty Python et réalisateur des films Brazil, Las Vegas Parano, L’armée des douze singes, l’Imaginarium du docteur Parnassus tombe sous le charme de Tideland et décide de l’adapter en film avec Jeff Bridges (The Big Lebowski, True grit…) dans le rôle du père et la merveilleuse Jodelle Ferland (Silent hill) pour incarner la petite fille. Une magnifique photo, la réalisation idéale pour illustrer cette histoire et mettre en image les délires de Jeliza-Rose, cette adaptation de T. Gilliam est probablement l’une des plus réussies qu’il m’ait été donné de voir parmi toutes les adaptations de roman, je n’ai pas peur de le dire !
Alors, si vous voulez vous offrir un trip à la Lewis Carroll mais avec une gravité plus moderne, plus proche de nous, plus “adulte” et une héroïne moins lisse, oserai-je dire, n’hésitez pas à vous procurer ce bel objet publié par Naïve qui, j’en suis sûr, saura vous envoûter !

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