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August, CALLAN WINK

 Albin Michel / Terres d’Amérique

This Week in Fiction: Callan Wink | The New YorkerCosby, SaFranko, Robinson, Hinkson… Parmi les très belles parutions de cette première moitié de 2022, on est content de retrouver également le jeune Callan Wink que l’on avait découvert en 2017 avec Courir au Clair de Lune avec un Chien Volé (Albin Michel), un recueil de nouvelles qui annonçait la couleur et avait déjà comme qualité majeure de plonger profondément et avec beaucoup de justesse et de tenue dans l’humain.
Wink est né en 1984 dans le Wyoming et est guide de pêche dans l’état le plus propice à cette activité, le Montana. Plus jeune auteur à avoir publié une nouvelle dans le célèbre New Yorker, August, paru tout début mars 2022 chez nous, est son premier roman. Et si vous aimez Ron Rash, Willy Vlautin ou Pete Fromm, il y a fort à parier que vous pourriez bien être séduit par sa sensibilité et la sobriété de son récit.

August est un jeune homme né de l’amour de Darwin, père plutôt taciturne, et Bonnie, femme magnifique et intelligente, mélancolique et parfois un peu lunaire qui passe ses journées à faire des réussites et fumer des cigarillos. On suit, dans une première partie, l’adolescence d’August dans le Michigan où se trouve le ranch de son père. Le travail y est dur mais enrichissant. Très investi dans son activité, le père s’occupe peu de son foyer, Bonnie finira par quitter la maison puis l’état avec son fils, direction le Montana. Ce sont alors le premiers pas d’August dans la vie d’adulte. Il y finit le lycée où il se fait quelques amis, mais malgré l’insistance de sa mère pour qu’il aille à l’université, souhaitant probablement qu’il ne tourne pas comme son père, les études et les rassemblements ne sont pas faits pour lui. Solitaire, ce qu’il aime c’est passer du temps au bord de la rivière, une canne à pêche à la main ou planter des poteaux pour délimiter un terrain ou se concentrer sur la réparation d’une machine agricole, loin de l’agitation du monde, des préoccupations et de la frénésie des autres garçons de son âge. Parfois, le monde s’affole un peu autour d’August et son cœur peut s’enflammer, mais il garde le cap, ancré dans son travail quotidien sur le ranch d’Ancient Virostock. L’Amérique vient de perdre ses tours jumelles et avec elles ses repères, mais le travail doit être fait et un ranch ne se gère pas tout seul.

Bien loin du rythme et de la tension d’un polar, le temps se déroule ici calmement, ponctué par les taches quotidiennes et les appels entre August et son père ou sa mère.
En faisant un éloge des espaces isolés et des instants solitaires, Wink dénonce avec subtilité le monde agité dans lequel nous sommes absorbés, les tensions absurdes, les conflits inutiles. Le récit est particulièrement sobre et il fallait un personnage aussi sensible et attachant qu’August pour que le roman fonctionne et c’est le tour de force que réussit ici Wink, avec ce premier roman. Gageons qu’en agrémentant un chouïa plus ses histoires de ressorts dramatiques, en cassant peut-être plus souvent le rythme, Callan Wink pourrait bien, à l’avenir, nous livrer parmi les plus belles pages du nature writing.

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