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Les Morts de Riverford, TODD ROBINSON

Gallmeister

ImageIl y a quelque chose de cruel à attendre la sortie d’un livre pendant plusieurs années pour finalement ne le dévorer qu’en quelques jours, non ?! Je suis sûr que beaucoup d’entre vous voient très bien ce que je veux dire…
Bref… Nous avions découvert Todd Robinson il y a sept ans avec Cassandra, puis deux ans après avec Une Affaire d’Hommes et le coup de cœur pour le bonhomme, ses personnages et son style avaient été immédiats. À l’annonce de la sortie de ce troisième roman, un pur polar sans Boo & Junior à la baguette et avec un nouveau traducteur pour servir le texte – après l’excellent travail effectué jusqu’ici par Laurent Bury – nous étions tout à la fois confiants et carrément impatients.

L’auteur de Manhattan quitte ici le Boston interlope de ses premiers romans pour nous emmener plus au sud du Massachusetts, dans une petite bourgade nommée Riverford, quelques kilomètres à l’est des frivolités et du sable des plages de Cape Cod. C’est une  petite ville ouvrière anciennement dynamique aujourd’hui moribonde, frappée de plein fouet par la misère et le chômage. Les familles sont souvent éparpillées, père, mère, enfant vivant isolés. Les malheureux revenus ou indemnités ne suffisent pas à tout payer, alors Il faut choisir le plus souvent entre payer le loyer, les factures ou les dépenses de santé… 
Ce matin d’automne, alors que le froid commence à se faire ressentir, un corps va être retrouvé non loin de la banque. Un meurtre, chose inédite à Riverford, qui n’en avait pas connu depuis une vingtaine d’années. Et ce corps, ce n’est pas n’importe quel corps, c’est celui de Quentin Davoll, banquier, fils de l’homme le plus puissant de la ville, ancienne gloire lycéenne du basket promis à un bel avenir, raciste, violent et terreur de ses camarades. Alors, une fois passée la surprise, il faut bien avouer que cette mort ne traumatise pas grand monde, la quasi totalité des habitants ayant pu presser la détente sans grande hésitation.
Mais pour Frank Yamaguchi dit Yama – seul asiatique de la ville – et le shérif Julius Franco- ce qui s’y rapproche le plus d’un noir – il va tout de même falloir mener l’enquête et tenter de trouver un semblant de piste dans le brouillard. D’autant plus qu’ après le décès le même jour de Duncan Bojarski , malfrat local, il semblerait que la ville toute entière ait décidé de rompre la paisible monotonie du quotidien de Riverford.

Avec Les Morts de RiverfordTodd Robinson compose une merveille de polar qui prend habilement son temps, plus social et profond que ses précédentes livraisons. On plonge dans une triste réalité rurale – pauvreté, chômage, drogue, isolement – que l’on connait, entre autres, à travers les romans de David Joy. Même s’il développe toute une galerie de personnages tous autant brisés et complexes les uns que les autres, on adopte, assez naturellement je trouve, le point du vue de Yamaguchi, ce flic attachant d’origine japonaise, parti dans la grande ville et revenu après plusieurs années là où il est né. On ressent ce lien, cette pointe de nostalgie et on partage sa peine en voyant ce que la ville et ses habitants sont devenus. Mais dans cet environnement social bouleversant, là où Todd Robinson excelle à chaque fois, c’est dans l’équilibre qu’il parvient à trouver entre gravité et légèreté. On n’a certes pas ici le rythme effréné très pulp des aventures de Boo & Junior, mais on retrouve quand-même ce ton qu’on apprécie tant et son sens inné de la formule qui ne perd pas de son efficacité à la traduction.

                      “Les Bojarski étaient aussi nordiques qu’un taco au poisson”  
                                                                                            “Patsy n’avait jamais été le crayon le plus affûté de la boite”

Bref, on adore Todd Robinson et ce troisième roman, exclusivement publié en France à ce jour, nous confirme l’étendue de son talent. On espère ne pas avoir à attendre à nouveau cinq ans pour découvrir ce qu’il nous réserve pour la suite !

©Photos : Todd Robinson

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