Gallmeister
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Après Les Spectres De La Terre Brisée, western violent et enlevé qui m’avait personnellement emballé, Zahler quitte l’ouest aride, les colts et autres Winchesters pour nous livrer un noir urbain implacable, rude et sexy. Ici, les chevauchées se font en berline climatisée ou SUV et les règlements de compte au semi-automatique.
C’est l’été à Great Crown, Darren Tasking, dit “Task” gère consciencieusement ses petites affaires. Il possèdent plusieurs casinos-bordels clandestins florissants, appréciés pour le charme des belles-de-nuit et leurs discrétions – des appartements astucieusement retapés et transformés, abritant tables de blackjack ou de poker, dans des immeubles d’habitations on ne peut plus classiques. Hommes d’affaires, acteurs, sportifs s’y pressent pour oublier leur soucis et lâcher de juteux pourboires. Les gros bonnets locaux ne cherchent pas de noises à “l’entrepreneur”- ils ont un pourcentage – et respectent sa loyauté – ce qui veut dire qu’il paie sans retard. Il fait sa besogne humblement, dans l’ombre, pour se refaire après un passage en prison et se préparer une retraite aux petits oignons.
Mais dans ce genre de business, l’important bien évidemment, c’est de ne jamais se mouiller personnellement et du coup d’être bien entouré et de recruter judicieusement. En vue de l’ouverture d’un nouvel “appartement”, il va tout faire pour recruter la belle Erin “Hope” Green, jeune femme endettée, strip-teaseuse dans un club local. Brunette, ultra sexy, le début des emmerdes…
Et voilà, une fois de plus, on est happé ! Dédale mortel est un roman de genre comme on en lit peu, jubilatoire, pleinement maîtrisé. On y retrouve tout ce qui nous avait plu dans Les Spectres De La Terre Brisée et qui peut diviser : des personnages très marqués, véreux, une violence extrême, des dialogues crus… S. Craig Zahler sait où il veut nous emmener, ce qu’il veut provoquer chez nous et il le fait très bien avec une remarquable précision.
Il est clair que Dédale mortel s’inscrit dans une certaine tradition du roman noir remplie de malfrats, de créatures mystérieuses et sexy, de jeux illégaux, d’alcool, de règlements de compte rappelant la prohibition mais dans lequel on aurait injecté une dose de GTA en intraveineuse, comme si on avait entré un cheat code “extra-blood” au début de la partie pour la rendre plus fun et plus violente !
Jouant avec le soufre, le sel et le plomb dans une ville poisseuse dont on sent, en tournant les pages, les odeurs de bouffe s’échappant des ruelles à l’arrière des restaurants ou celle du sang fraîchement éjecté d’une bouche, S Craig Zahler, également scénariste, réalisateur et musicien démontre tout son talent de narrateur et sa maîtrise des codes du genre dans ce quatrième roman hot and spicy ! Diaboliquement bon !