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Sarah Jane, JAMES SALLIS

Rivages

Si vous avez l’habitude de nous lire, vous savez peut-être déjà que je suis assez sensible à la beauté de la couverture d’un roman. Et il faut reconnaître que les éditions Rivages, comme Sonatine, Gallmeister ou la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel, nous gâtent assez de ce côté-là ! Sarah Jane ne fait pas exception, on est dans l’ambiance. Alors, si la quatrième est alléchante, on se laisse d’autant plus facilement tenter.

De James Sallis, on connait déjà Willnot (Rivages – 2019) ou encore le fameux Drive, adapté au cinéma par Nicolas Winding Refn et force est de reconnaître que l’auteur originaire de l’Arkansas est très clair sur ce qu’il promet. Dans Willnot, il nous parlait de cette petite ville et ses habitants perturbés par la découverte de plusieurs cadavres, dans Sarah Jane, il nous raconte tout simplement le quotidien de Sarah Jane Pullman, qui grandit “à l’endroit où le Tennessee et l’Alabama se rejoignent et forment en quelque sorte leur propre territoire (…).” Père éleveur de poulets, mère de plus en plus absente. C’est un peu flou, mais l’essentiel n’est pas là, l’essentiel c’est le personnage, son parcours, peu ce qui l’entoure. Famille dysfonctionnelle donc, qui mène à une fugue vers l’âge de 17 ans. Courtes études, petits boulots dans des cuisines de diners plus ou moins sordides, l’amour, un drame, l’armée, le désert, un lance-roquette… Et la voilà qui pose sa candidature pour un poste de flic au bureau du shérif de Farr, Cal Phillips. Il est lui aussi vétéran de l’armée et ils vont assez rapidement tisser une relation de confiance. Le jour où il disparaît sans laisser de trace, c’est elle qui le remplace à la tête du bureau. On baigne alors dans son quotidien de flic et dans les mystères qui entourent la disparition de celui qui était son mentor.

Dépouillant son récit de tout superflu, James Sallis nous présente une Sarah Jane complexe, attachante mais un peu nue. Le style est efficace, les dialogues réalistes et bien écrits, mais la narration et la gravité se perdent, d’après moi, dans trop d’ellipses. Trop d’éléments restent flous, les personnages secondaires ne sont qu’esquissés et rien ne vient réellement rythmer le récit, nous tenir en tension. Mais, disons nous que c’est probablement l’effet recherché, d’une certaine façon, à la manière d’un peintre en quelque sorte, qui représenterait une jeune femme en uniforme sur un fond neutre. On ne sait que peu de choses sur elle. Pour les plus attentifs, seuls quelques éléments peuvent, peut-être, nous aider à la cerner, un détail, une cicatrice…
Alors, faut-il découvrir James Sallis avec ce Sarah Jane ? J’oserais dire que non. Là où certains s’attacheront à ce personnage fort, d’autres, comme moi – et j’avais déjà connu un peu ça avec Willnot -, se perdront dans une brume qui n’a rien d’électrique et le manque de ressorts dramatiques.
Mais, allez savoir, peut-être que les première et quatrième de couverture du prochain attiseront une nouvelle fois ma curiosité… Et alors, on verra.

© Photo de James Sallis en 2019 par Jean-Luc Bertini

 

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