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Dévotion, PATTI SMITH

Gallimard

Afficher l’image sourceVoilà plusieurs semaines que je butais sur la nouvelle parution de Tiffany McDaniel, me forçant un peu à le reprendre en main, culpabilisant de ne pas y arriver, pour voir si le charme allait enfin faire effet, déçu de ne pas avoir été aussitôt emporté comme je l’avais été par Betty à l’époque. Mais voilà, force est de constater que le souvenir de la petite indienne est encore trop présent et trop fort dans mon esprit et que le petit diable de L’Été où Tout a Fondu peine à dévoiler sa magie.. Peut-être n’est-ce pas le moment, tout simplement. Je décide donc de le mettre de côté et me repenche sur ma pile-à-lire. Et là, ce petit livre blanc estampillé Gallimard me tend les bras : Dévotion, paru en 2018, si je ne me trompe pas la douzième publication en français d’une certaine Patti Smith, autrice, compositrice, chanteuse, photographe, poétesse, figure iconique du New-York underground des années 1970 et personnalité respectée pour ses engagements, sa culture et son humilité. Peut-être allez-vous crier au blasphème, mais c’est le premier livre de Patti Smith que j’ouvre, un petit livre élégant qu’on a plaisir à tenir en main.

Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre et assez rapidement le style et la fluidité du récit m’ont séduit. Le premier tiers du livre, l’interprète de People have the power évoque son amour de Modiano, sa découverte de Simone Weil (philosophe humaniste française) puis nous raconte un de ces séjours en France, à Paris et en province, pour une série de rencontres et d’entretiens. Elle nous parle de ses préoccupations, de son mode d’écriture – beaucoup de notes dans un carnet, des poèmes, bouts de phrases – trajets en train, inspiration, pensées et souvenirs en arpentant les rues de la capitale où assise dans un parc sous le regard statufié de Voltaire. Puis profitant d’un séjour à Sète, elle souhaite se recueillir sur la tombe du poète Paul Valéry et laisser aller son regard de sépulture en sépulture. Là, ses yeux se posent sur la tombe d’une jeune fille passionnée par les chevaux. Sur le côté de la pierre est gravé le mot “Dévouement”. Demandant à son accompagnateur ce que cela signifie, il va lui répondre en anglais “Devotion”. Ce mot lui reste en tête et sur le trajet du retour, elle se plonge dans son carnet et inscrit ce qui sera les débuts du roman que j’ai dans les mains.

Dévotion est une longue nouvelle sur le thème de la transcendance, comment vivre pleinement une passion jusqu’à s’y perdre et s’y réaliser. Eugénia est une jeune fille d’origine estonienne, elle réside en Suisse et dès qu’elle peut, dès que la météo le permet, elle chausse ses patins pour aller glisser et danser sur la glace de l’étang, non loin de chez elle. Elle s’épanouit, virevoltante, en communion avec les éléments. Son allure et sa délicatesse vont charmer Alexander, un quarantenaire fortuné qui va lui promettre argent, entraînements et réussite. Comment résister ? Patiner est ce qu’elle souhaite faire le plus au monde Mais rapidement, cette relation (malsaine) qui devait être une opportunité devient un lien qui l’empêche de se réaliser et l’éloigne de la glace, cause de l’évènement dramatique qui apportera de la profondeur à cette nouvelle.

La dernière partie du livre est consacrée à un séjour que Patti Smith effectue dans le sud de la France, invitée par Catherine Camus, fille de l’auteur de La Peste et L’Étranger dans la maison familiale, où elle nous livre ses questionnements sur ce qui la pousse à écrire depuis tant d’années maintenant, encore et toujours.

Je referme le livre songeur, inspiré par ces réflexions, souvenirs et références livrés par Patti Smith au gré des pages. Bien-sûr les lieux évoqués – Saint-Germain-Des-Prés, Café de Flore, hôtel luxueux, maisons d’artistes – ne sont pas accessibles à tous mais on sent chez elle, avant tout, plus une volonté de fréquenter ces endroits fortement imprégnés de culture, d’histoire, de rencontres qu’une norme à laquelle elle serait habituée. Elle marche ici dans les pas de Patrick Modiano, Paul Valéry, Simone Weil, Albert Camus et nous emmène avec elle, comme si on avançait de salle en salle dans un musée de la pensée et de l’écriture plein de charme et d’objets mythiques. Très intéressant ! Davantage convaincu par les parties “récit” que par la nouvelle donnant son titre au livre elle-même, d’ailleurs.

 

 

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