Close

À peu près cinq questions à ROB HART

38 ans, originaire de New-York dont il est d’ailleurs conseiller municipal, directeur de communication politique, il est un des auteurs que nous avions dans le viseur depuis un moment, certains de ses amis étant des figures incontournables et des coups de cœur de ce blog.

En revanche, il faut bien avouer que nous ne nous attendions pas à ce que son premier roman soit une dystopie. Mais le talent est là et il y a beaucoup à dire sur ce premier roman paru chez nous juste une semaine avant le début du confinement. C’est un roman intelligent et glaçant qui nous interroge sur notre société, notre façon de consommer et nous plonge dans les dérives et les sombres coulisses de l’e-commerce. Que se passe-t-il quand la vie de centaines de milliers de personnes, employés, consommateurs, ne dépend que d’une seule entreprise ayant la mainmise sur absolument tout ? Comment résister face au rouleau compresseur ? Que peut faire une allumette ?

Rob Hart s’impose déjà parmi les grands noms, comparé à Huxley, Orwell, Bradbury ou Atwood, mais c’est avec beaucoup d’humilité et de sympathie qu’il a accepté de répondre à nos questions. L’occasion pour nous de faire un peu plus connaissance avec lui, l’occasion pour lui de partager sa vision et ses références.

From Richmond To Tacoma : Salut Rob ! Tout d’abord, bravo pour ce roman vraiment abouti. On voulait savoir comment était née l’idée de MotherCloud, s’il y avait eu un évènement ou une information à l’origine de ce roman ?
Rob Hart : J’ai lu une histoire en 2012, à propos d’une femme qui avait un emploi dans un centre de distribution, et à quel point les conditions de travail étaient dures. Ça m’a vraiment marqué, les employés étaient tellement mal considérés. Les attentes étaient si élevées qu’on pouvait se faire virer simplement pour s’être fait porter malade. Et dans les années qui ont suivi, plus je lisais les nouvelles, plus l’histoire prenait forme.

FRTT : Le début du roman nous a fait l’effet d’un long plan séquence de cinéma, avec la caméra passant d’un personnage à un autre, nous assimilant aux nouveaux arrivants, était-ce l’effet ce que tu avais en tête ?
Rob : Absolument… Construire un univers est un défi et je pense qu’il est important de commencer par des images fortes, afin que vous ayez tout de suite une idée de ce à quoi il ressemble.

FRTT : Zinnia et Paxton, est-ce que ça a tout de suite été eux, ou as-tu eu d’autres idées de personnages avant ? Que voulais-tu qu’ils soient ?
Rob : En fait, j’ai commencé avec Paxton et Zinnia. Je savais que je voulais qu’un des personnages soit l’employé modèle et un peu naïf (Paxton) et que l’autre soit un peu plus sûre d’elle et capable de voir au delà du lavage de cerveau (Zinnia).
Mais l’histoire n’était pas vraiment concrète avant que j’ajoute Gibson Wells, le Pdg de la société, il offre une perspective complètement différente et je pense que cela a donné plus de profondeur à l’histoire.

FRTT : Abandonner ses libertés contre la sécurité et un confort tout relatif… Est-ce vers ce genre de société que nous allons ? Et ton roman est-il trop ancré dans le réel pour être dystopique d’après toi ?
Rob : Je pense vraiment que c’est ce vers quoi nous allons. Encore plus aujourd’hui. L’idée du roman, c’est qu’une entreprise a dominé l’économie, et a ensuite utilisé ce pouvoir pour s’en sortir avec tout ce qu’elle voulait. Regardez ce qui se passe aujourd’hui. Amazon se développe et se renforce, ils embauchent à tour de bras à un moment où tout le monde licencie. Leur concurrence est en plein anéantissement. Ils survivront à cela parce qu’ils ont suffisamment d’argent. Cela se réalise beaucoup plus tôt que je ne le pensais.

FRTT : Gibson Wells, président fondateur de MotherCloud a sa propre chaîne d’information et on peut remarquer de plus en plus dans notre société actuelle une certaine défiance envers les médias, Trump, les gilets jaunes en France… Penses-tu que ce soit déjà trop implanté dans nos esprits pour être irréversible ?
Rob : En fait, je pense qu’on a même besoin d’être encore plus méfiant envers les médias. Nous devons tout remettre en question, ce que l’on voit et ce que l’on entend, contester ces choses et poser des questions. Tant de reportages sont liés aux intérêts des entreprises. Aux États-Unis, nous avons toute une chaîne d’infos qui est essentiellement un outil de propagande du parti républicain, Mais je crois vraiment que nous devenons plus intelligent, moins dupes. Je crois vraiment que nous relevons ces choses. Il faut que nous développions davantage cela.

FRTT : On voit aujourd’hui beaucoup d’entreprises en difficulté avec le confinement, des petits magasins qui auront probablement du mal à s’en remettre… Est-ce que le Covid peut avoir les mêmes effets possibles que les massacres du Black Friday de ton roman ?
Rob : Oui, absolument. Nous dépendons de plus en plus de la livraison à domicile. Nous donnons beaucoup de pouvoir aux entreprises qui peuvent nous apporter biens et fournitures. Je pense que, aujourd’hui plus que jamais, il est important de se concentrer sur le soutien de nos petits commerces en achetant local.

FRTT : Un sujet plus léger maintenant, quelles ont été tes influences littéraires ? Ce qui t’a nourri en tant qu’ado et en tant qu’adulte ?
Rob : Ray Bradbury a eu une énorme influence sur moi, ce roman était en quelque sorte mon hommage à Fahrenheit 451. Je suis également un grand fan d’auteurs comme Tom Spanbauer, Amy Hempel et Chuck Palahniuk.

FRTT : Maintenant, la French Question : quelque chose de français qui t’inspire ou que tu as aimé récemment ? 
Rob : j’ai revu il y a peu le film Le Samouraï (de Jean-Pierre Melville avec Alain Delon – 1967) que je n’avais pas regardé depuis des années et j’aurais aimé le revoir plus tôt. Quelle fantastique entrée dans le Noir !

FRTT : Et réponses rapides…

  • Un film : Léon de Luc Besson (1994)
  • Une musique : l’album Neon Golden de Notwist (2002)
  • Un plat : Pizza… En ce moment, n’importe quelle pizza !
  • Une boisson : Whisky, glaçons
  • Un roman : Cassandra de Todd Robinson (Gallmeister – 2015)
  • Un voyage : la tournée de promotion annulée à Paris et Lyon… J’espère que l’occasion se représentera.

Un grand merci à Rob Hart pour sa disponibilité et aux éditions Belfond pour leur confiance.

Notre chronique de MotherCloud : ici

Retrouvez toutes nos interviews : ici

ENGLISH VERSION

From Richmond To Tacoma : Hi Rob ! First of all, congratulations for this fully developped novel. We wanted to know how the seed of The Warehouse comes in your mind, if there was an event or news at the origin of the story ?
Rob Hart : I read a story in 2012, about a woman who got a job in a fulfillment center, and how brutal the working conditions were. It really stuck with me—the way the workers were treated so poorly, the expectations were so high, that you could get fired just for calling out sick. And in the following years, the more I read the news, the more the story took shape.

FRTT : The first pages of your novel give us the impression of a long sequence-shot of a movie, with the camera sliding from a charater to another, assimilating us to the newcomers, is that the rendering you were hoping for ?
Rob : Absolutely… building a world is a challenge and I think it’s important to start with strong imagery, so that you get a sense of what it looks like. 

FRTT : Let’s talk about Paxton and Zinnia. Did you have other first drafts of characters before them or do they have been there since day one of your thinking ? What do you wanted them to be ?
Rob : Actually, I started with Paxton and Zinnia. I knew I wanted one character to be the company man and a little naive (Paxton) and another to be a little more sure of herself and able to see through the brainwashing (Zinnia). But the story didn’t really come together until I added Gibson, the CEO of the company. He’s able to offer a whole different perspective, and I think it gave the story more depth.

FRTT : Give up our individual freedoms for safety and a relative comfort… Is this the kind of society we can expect ? And, according to you, is your novel too much anchored in reality to be a dystopia ?
Rob : I do think this is where we’re headed. More so right now. The idea of the novel is that one company dominated the economy, and then used that power to get away with whatever it wanted. Look at what’s happening now. Amazon is getting bigger and stronger—they’re hiring, at a time when everyone else is laying people off. Their competition is being wiped out. They’ll survive this because they have enough money. This is coming true a lot sooner than I thought.

FRTT : Gibson Wells has his own TV channel and we can notice more and more distrust against the medias in our contemporary society, Trump and his supporters of course, the Yellow Jackets crisis in France… Do you think this is already too much deep-rooted in our heads to be irreversible ?
Rob : I actually think we need more distrust in the media. We should question everything we see and hear, and challenge those things, and ask questions. So much of news reporting is tied up with business interest. In America we have an entire news network that is essentially a propaganda arm for the Republican party. I do think we’re getting smarter. I do think we’re noticing these things. It needs to happen more.

FRTT : Due to the lockdown, lots of shops and businesses will be in trouble… Can Covid-19 have more or less the same impacts than the black friday’s massacre you talk about in your novel ?
Rob : Absolutely. We’re becoming more reliant on home delivery. We’re giving a lot of power to the companies that can get us goods and supplies. I think now, more than ever, it’s important for us to focus on supporting our small businesses by shopping locally.

FRTT : Now a lighter subject, what are your literary influences ? What feeded you, culturally speaking, as a teenager and now, as an adult ?
Rob : Ray Bradbury was a huge influence on me—this book was sort of my homage to Fahrenheit 451. I’m also a humongous fan of authors like Tom Spanbauer and Amy Hempel and Chuck Palahniuk.

FRTT : The last question is what we call “The French Question” : Something french that inspires you or you liked recently ? (it can be a movie, music, food, wine…)
Rob : I just recently revisited the film Le Samouraï, which I have not watched in years, and I wish I had revisited it sooner. What a fantastic entry in the noir genre !

And finally, quick answers :
1 movie : Léon: The Professional
1 music : The Notwist’s Neon Golden album
1 meal : Pizza… right now, any pizza
1 drink : Whiskey, rocks
1 novel : Cassandra by Todd Robinson
1 trip : The book tour I missed to Paris and Lyon—I hope I get another chance !

©Photos : Michael McWeeney

Propos recueillis par Smith pour From Richmond To Tacoma – 2020

Close