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Viper’s Dream, JAKE LAMAR

Rivages

En septembre 2021, dans la cohue de la rentrée littéraire, nous avions repéré ce titre, Viper’s Dream, septième roman de Jake Lamar, auteur que nous n’avions pas encore eu l’occasion de chroniquer depuis la création de ce blog. Né dans le Bronx en 1961, ancien élève d’Harvard, il rejoint la rédaction du Time Magazine. Puis, inspiré par le parcours d’Hemingway ou Baldwin, il quitte New-York pour Paris en 1993. Il y vit encore à ce jour et enseigne à sciences po.
Viper’s Dream est un roman noir impeccable et immersif, mené par des anti-héros charismatiques, mais c’est aussi le récit d’une part de l’histoire de la musique, des années 30s aux années 60s, des orchestres de swing qui font danser les riches blancs, au be-bop et ses formations plus petites qui font la part belle à l’improvisation, les maîtres en la matière – Monk, Miles Davis, Bud Powell, Dizzie Gillespie, Charlie Parker… – gravant ainsi leurs noms dans l’histoire. Et dans ce Harlem foisonnant, aux vapeurs des clubs se mêle celle plus herbacée de la marijuana.

Une rue de New-York, dans les années 60s. Une Rolls Royce s’arrête à la hauteur de Viper qui vient de commettre son troisième meurtre. Dans la voiture, la baronne Pannonica de Koenigswarter, dit Nica, née Rothschild, et Thelonius Monk le célèbre pianiste de jazz. Ils se rendent dans la magnifique résidence de Weehawken, au bord de l’Hudson avec vue sur Manhattan que celle-ci possède dans le New Jersey. Une soirée normale au milieu des plus grands be-bopers du moment. Viper n’est pas jazzman mais il est évidemment à sa place à leur côté. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’Il a fournit chacun des joints qui circule de mains en mains ce soir-là.
Viper, c’est ainsi qu’on nomme la loco weed, la marijuana qui circule à Harlem, mais c’est aussi sous ce nom que l’on parle de Clyde Morton, jeune homme noir originaire de l’Alabama. Son rêve, au milieu des années 30s, était de monter à New-York et devenir un grand trompettiste. Pas encore vingt ans, zéro plan B et il était prêt à tout pour tenter sa chance. Mais manifestement les fées du jazz avaient loupé son berceau. C’est en tout cas ce qui ressortira de sa première et unique audition pour rejoindre l’orchestre du Mr O’s. Les mots de Pork Chop, le responsable du club, sont cruels mais il a quelque chose à lui proposer. En faisant ses preuves aux côtés du fortuné Mr Orlinsky, il pourra devenir quelqu’un qui compte dans un business prospère. L’ascension sera rapide, Il sera désormais craint et respecté, incontournable pour qui cherche à se procurer de l’herbe de qualité, il portera des costumes sur mesure hors de prix, le cheveu lissé, les plus belles femmes à son bras.
Mais l’héroïne montre de plus en plus ses griffes et son pouvoir est sournois et redoutable. Addictive, destructrice, elle se répand et menace de ruiner la carrière des plus grands, comme Charlie “Bird” Parker (sur la photo). Viper se donne pour ligne de conduite de ne jamais en dealer ou y toucher, mais autour de lui les tentations sont grandes et son affaire potentiellement menacée.

Une vraie découverte et un gros GROS coup de cœur pour le style de Jake Lamar sur ce Viper’s Dream. Un récit parfaitement rythmé entre trahisons, passion, complicités, désillusions. On baigne avec insouciance dans l’ambiance des clubs de jazz de cette époque ou l’on croise toutes les légendes du Be-bop. On entend les glaçons dans les verres, les rires pendant que les musiciens plaquent leurs accords sur leur piano, sax, trompette ou contrebasse. Mais on est happé, tout en même temps, par les enjeux et les drames qui se jouent entre chaque protagoniste.
Un roman envoûtant et inspirant qui m’a donné envie d’approfondir ma culture jazz et faire tourner sur ma platine les plus beaux accords d’un Monk Solo ou d’un Bird and Diz. Jake Lamar a d’ailleurs eu la bonne idée de glisser à la fin de son roman une playlist des titres qui l’ont accompagné pendant l’écriture. Idéal donc pour vous accompagner dans un long week-end cosy sous un plaid, avec la boisson de votre choix, froide ou chaude, à vous de voir.

 

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