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Les Routes Oubliées, SHAWN A. COSBY

Sonatine

Quel bonheur de pouvoir enfin retrouver chez Sonatine cet auteur sur lequel on lorgnait depuis bien longtemps ! Deuxième roman de Shawn A. Cosby, Les Routes Oubliées est le premier à être publié en France et les attentes sont grandes quand on voit les pointures qui soulignent son talent – Dennis Lehane ou David Joy pour ne citer qu’eux – ou encore les auteurs qu’il a pour amis, Todd Robinson qu’on ne présente plus et Rob Hart dont on avait adoré le premier roman chez Belfond, Mothercloud (depuis paru en poche sous le titre L’Entrepôt – Pocket). Alors, il était impensable pour nous de ne pas en parler ici et vous transmettre notre enthousiasme.

Red Hill, Virginie, à quelques encablures de Richmond. Beauregard Montage s’est rangé des voitures, comme on dit. Avant, des voitures, il en conduisait, des avec un gros moteurs et de bonnes suspensions, lors de courses illégales ou comme chauffeur lors de braquages. Mais les coups foireux, c’est fini. Aujourd’hui il répare et bichonne la voiture de monsieur tout-le-monde dans le garage qu’il tient avec son cousin Kelvin, espérant pouvoir offrir à ses enfants une belle vie et la possibilité de faire des études. Mais Red Hill n’est pas une grande ville et on a vite fait le tour des vidanges en retard… Alors si en plus, une grosse enseigne nationale tenue par des blancs s’installe, la clientèle se fait plus discrète et l’argent peine à rentrer. Les factures commencent par s’accumuler dangereusement sur son bureau.
C’est à ce moment-là que Ronnie Sessions pointe le bout de son nez de petite frappe. Par le passé, Beau a déjà fait des coups avec Ronnie et niveau fiabilité, il y a des antécédents. Mais même si le sérieux de Ronnie laissent à désirer, le butin pourrait s’annoncer juteux, de quoi se refaire la cerise et se mettre à l’abri du besoin pour un temps. Alors il va accepter l’offre de Ronnie. Mais ce dernier et son acolyte Quan – qui se voit un peu trop beau dans un film – vont devoir suivre ses règles.
Le braquage n’est pas franchement un modèle de perfection, mais le groupe repart tout de même les poches pleines et la fuite en voiture, le domaine de Beauregard, est un bijou d’anticipation et de maîtrise. Malheureusement, ce qu’ils ignoraient, c’est  que la bijouterie et le butin dérobé n’appartiennent pas à un tendre, un certain Lazarus Mothersbaugh dit Lazy et il ne lui faudra pas long pour remonter la piste jusque Beauregard. C’est ça de bosser avec des amateurs… F**k. Et les conséquences vont se révéler beaucoup plus lourdes que prévues pour Beauregard, hanté par ses choix et le fantôme de son père.

L’équilibre de ce roman est tout à fait incroyable. La balance entre tension, violence et sensibilité est totalement maîtrisée et paraît complètement naturelle, comme si l’exercice était aussi facile à réaliser qu’une bonne vinaigrette. Ce qui pourrait être un roman à la virilité exacerbée – bagnoles, mécanique et gros muscles – ne l’est absolument pas et c’est d’ailleurs assez bluffant. Le style est précis et percutant, assurément très cinématographique. Comme un David Joy, ses personnages portent chevillés au corps des valeurs fortes et sont prêts à tout pour les défendre. On est absorbé par le drame qui se joue mais on ne perd jamais pied tant le calme et la détermination du personnage de Beauregard nous aide à y voir clair.
Les quarante dernières pages, sans rien dévoiler, sont incroyables, d’une intensité folle, où la poudre et le sang remplacent les odeurs de mécanique et dans lesquelles les armes ne sont malheureusement pas toujours dans les mains de ceux qu’on voudrait.
On a avec ces auteurs-là – Cosby, Joy, Gailey, Robinson, Hart, Harper, Farris et j’en passe – une génération incroyable qui nous livre des récits modernes d’une grande qualité qui trouveraient tout naturellement leur place sur écran, qui ne manquent pas de nous distraire, dans le sens où la lecture n’est pas qu’un moyen de fuir un quotidien maussade mais peut être aussi un loisir fou qui nous embarque et nous secoue.

Bref, vous l’avez compris on n’est pas déçu du voyage. Vous nous avez pleinement convaincu Monsieur Cosby, merci.

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